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Louise Toupin distingue différents courants féministes

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Message  leia Jeu 10 Déc 2009 - 14:19

Louise TOUPIN,Les courants de pensée féministe,1997.

C'est un bref résumé de l'ouvrage, contestable sur certains points, mais relativement intéressant pour comprendre les diverses influences féministes!

1-LE FEMINISME LIBERAL EGALITAIRE

Le féminisme libéral égalitaire (appelé aussi "réformiste", ou féminisme des droits égaux), est en filiation directe avec l'esprit de la Révolution française : avec sa philosophie, le libéralisme, et avec son incarnation économique, le capitalisme. Liberté (individuelle) et égalité seront deux de ses principaux axes de lutte.

Les féministes libérales égalitaires ont donc réclamé pour les femmes, depuis plus d'un siècle, l'égalité des droits avec les hommes : égalité de l'accès à l'éducation ; égalité dans le champ du travail, en matière d'occupations et de salaires ; égalité dans le champ des lois : des lois civiles (capacité juridique pleine et entière), des lois criminelles (rappel de toutes mesures discriminatoires) et égalité politique (comme par exemple le droit de vote). L'égalité complète permettrait aux femmes de participer pleinement à la société, sur un pied d'égalité avec les hommes.

Le courant féministe libéral égalitaire n'est pas, comme on le verra, le seul courant féministe à réclamer de tels droits. Cependant, il se différencie des autres par l'identification des causes de la subordination des femmes dans la société et par ses stratégies de changement.

Causes de la subordination ou qui est "l'ennemi principal"?

Le courant féministe libéral égalitaire épouse grosso modo la philosophie du libéralisme, avons-nous dit. Cela signifie qu'on croit la société capitaliste perfectible. On croit en sa capacité de réforme. Le problème est qu'il est simplement mal ajusté aux femmes. A preuve : à l'intérieur de ce système, les femmes sont discriminées socialement, politiquement et économiquement. La cause est à trouver dans leur socialisation différenciée : des préjugés, des stéréotypes, des mentalités et des valeurs rétrogrades en sont responsables.

Les lieux où s'expriment cette discrimination sont l'éducation, le monde du travail, les professions, les églises, les partis politiques, le gouvernement, l'appareil judiciaire, les syndicats, la famille, donc à peu près partout.

Stratégies de changement.

Le moyen le plus efficace pour enrayer la discrimination faite aux femmes réside d'abord dans l'éducation non sexiste. Il s'agit de socialiser autrement les femmes. C'est en changeant les mentalités qu'on changera la société. L'autre moyen réside dans les pressions pour faire changer les lois discriminatoires. Ces pressions peuvent prendre la forme de mémoires au gouvernement, de sensibilisation du public par des colloques, par la formation de coalitions d'appui à certaines revendications, de lobbies, etc.

Le féminisme libéral égalitaire est le courant modéré du féminisme. Le Conseil du statut de la femme, l'Association d'éducation féminine d'éducation et d'action sociale, la Fédération des femmes du Québec, jusqu'à tout récemment, se sont traditionnellement situés dans ce courant de pensée. Au fil des ans, il a toutefois subi l'influence des autres courants de pensée du féminisme. Ainsi, la notion de discrimination "systémique" (qui a donné lieu aux revendications de programmes d'accès à l'égalité et à l'équité salariale portées par ces groupes) provient, sur le plan de l'analyse, des deux autres courants du féminisme (marxiste et radical) pour qui l'oppression des femmes provient d'un "système", et n'est pas redevable simplement à des mentalités ou valeurs individuelles rétrogrades. Voyons donc ces deux autres traditions de pensée féministe.

2-LE FEMINISME DE TRADITION MARXISTE

Le mouvement féministe, qui connaît un deuxième souffle en Occident au tournant des années 1970, naît dans un climat d'effervescence sociale fortement marqué par les idéaux de gauche issus de la tradition marxiste. C'est ainsi que la plupart des féministes, et dans leurs écrits et dans leurs actions, tiendront compte du marxisme, soit pour se situer à l'intérieur de cette tradition, soit pour s'en démarquer, soit pour le contester dans ses fondements.

Nous ferons état d'abord du point de vue marxiste classique sur la question des femmes, puis de certaines métamorphoses féministes de cette tradition de pensée.

Causes de l'oppression ou qui est "l'ennemi principal" ?

Pour les marxistes féministes orthodoxes, c'est l'organisation économique, le capitalisme, qui explique l'exploitation des deux sexes. L'oppression des femmes est en effet datée historiquement : elle est née avec l'apparition de la propriété privée. Ce fut là, selon Engels, "la grande défaite historique du sexe féminin", qui coïncide avec l'arrivée de la société divisée en classes et l'avènement du capitalisme. Outre Engels, la tradition de pensée dont s'inspirent les marxistes féministes orthodoxes de la décennie 1970 remonte notamment à August Bebel, Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï, et est demeurée pratiquement inchangée pendant un siècle (1879-1970)

Pour ces marxistes, le besoin de transmettre ses propriétés par l'héritage et, pour ce faire, d'être certain de sa descendance, a rendu nécessaire l'institution du mariage monogamique. C'est ainsi que les femmes furent mises sous le contrôle des maris, dans la sphère privée de la famille, hors de la production sociale. C'est là la cause de leur oppression.

L'oppression des femmes est donc due au capitalisme. Elle est née avec l'apparition de la propriété privée, et elle va disparaître avec le renversement du capitalisme. L'"ennemi principal" n'est plus identifié aux préjugés ou aux lois injustes envers les femmes, comme dans le féminisme libéral, mais bien au système économique et à la division sexuée du travail qu'il a instaurée : aux hommes la production sociale et le travail salarié, aux femmes le travail domestique et maternel gratuit à la maison, hors de la production sociale.

Le patriarcat, que les féministes radicales définiront comme étant le pouvoir des hommes dans la famille et dans toute la société, apparaît donc, aux yeux des marxistes orthodoxes, comme un simple produit du capitalisme, une "mentalité", qui disparaîtra avec le renversement du capitalisme. Le patriarcat occupe donc une place secondaire dans l'explication de l'oppression des femmes, cette dernière étant liée aux formes de l'exploitation capitaliste du travail.

Le lieu où s'exprime d'abord l'exploitation se situe dans le monde du travail, dans l'économie. C'est ainsi que le travail gratuit des femmes sera toujours analysé dans ses rapports avec l'économie capitaliste.

Stratégies de changement

Pour les marxistes féministes orthodoxes, la fin de l'oppression des femmes coïncidera avec l'abolition de la société capitaliste divisée en classes et son remplacement par la propriété collective. La famille conjugale tombera donc en désuétude puisqu'une prise en charge collective des enfants et du travail domestique sera instaurée.

Comme l'oppression des femmes est due à leur enfermement dans la sphère privée, hors de la production sociale, la stratégie de changement proposée passe par la réintégration des femmes dans la production sociale, au sein du marché du travail salarié, et leur participation à la lutte des classes, côte-à-côte avec les camarades, pour abolir le capitalisme. Chez les marxistes orthodoxes, il n'y a pratiquement pas de place pour la lutte féministe autonome, celle-ci ne pouvant que disperser les forces en luttant ainsi "contre les hommes".

Cependant, la voie des réformes n'est pas pour autant mise de côté. Elles sont même nécessaires pour améliorer le sort des femmes. Elles doivent cependant avoir pour objectif de mettre à nu les contradictions du système et la profondeur de la subordination des femmes.

A première vue, donc, les revendications préconisées et appuyées par les marxistes féministes (droit au travail social, droit aux garderies, égalité des chances dans l'emploi, l'éducation, les salaires, l'avortement libre et gratuit etc. ) peuvent ressembler aux revendications des féministes libérales. Elles s'en démarquent cependant par l'objectif final qui est de "dévoiler les contradictions" pour aider à renverser ultimement le système économique. Ces revendications se démarquent surtout par le refus de ces marxistes de s'inscrire dans la mouvance du mouvement féministe.

Il est en effet à noter que le féminisme sera toujours considéré par ces orthodoxes, femmes et hommes, comme étant un mouvement "individualiste-bourgeois", allant à l'encontre des intérêts de la classe ouvrière, et qu'il fallait combattre de toutes les façons. Au Québec, on retrouva ces types d'opposantes à la lutte autonome des femmes et au féminisme principalement dans les groupuscules marxistes-léninistes qui fleurirent durant la décennie 70. L'action des ces marxistes orthodoxes à l'endroit des femmes ne se situait donc pas à l'intérieur du mouvement des femmes d'alors, puisqu'ils combattaient toute lutte autonome des femmes.

Signalons enfin que cette opposition à la lutte autonome des femmes s'est manifestée aussi un peu partout en Europe à la même époque, et cela jusqu'aux débuts des années 1980 ; les premiers textes du mouvement féministe, par le soin qu'ils mettaient à se démarquer de l'orthodoxie marxiste, en portent d'ailleurs la trace. Cette "guerre froide" à l'endroit du féminisme épousait trait pour trait une vieille querelle entre le mouvement socialiste international et le mouvement féministe, datant celle-là de la fin du XIXe siècle.


3- LES METAMORPHOSES DU COURANT MARXISTE FEMINISTE[/b]

Les insuffisances et les lacunes du courant marxiste orthodoxe concernant l'explication de l'oppression des femmes entraîneront une métamorphose du marxisme féministe. Cette métamorphose, dont on peut constater les traces jusqu'à nos jours, est cependant souvent passée sous silence dans la documentation sur l'évolution des courants de pensée féministe. De ce fait, elle demeure largement méconnue de la part de nombre de femmes occidentales qui sont devenues féministes durant les décennies conservatrices des années 80 et 90, marquées par un «backlash» féministe et l'éclatement des régimes socialistes au pouvoir en URSS et en Europe de l'Est.

Pourtant, alors que tout ce qui touche de près ou de loin au marxisme durant cette période - et aujourd'hui encore - est considéré comme dépassé, voire même rejeté, par à peu près tout le monde occidental, incluant le monde féministe, nombre de femmes du tiers monde, notamment, continuent pour leur part d'imprégner leurs analyses et leurs pratiques d'une analyse de classe, qu'elles ont su adapter à leurs contextes nationaux. Sans compter qu'en Occident, il y eût, et cela depuis les débuts des années 70, plusieurs tentatives de la part de nombre de féministes d'allier une analyse «de classe» à une analyse «de sexe». Bref, ce ne sont pas toutes les féministes qui ont laissé tomber l'analyse de classe pour lui substituer l'analyse de sexe, même si c'est l'image qui peut parfois se dégager du mouvement féministe.

4) les courants féministes socialistes

Alors que les marxistes orthodoxes, rappelons-nous, portaient d'abord et avant tout leur attention aux classes sociales et au système économique capitaliste, seul responsable de l'oppression des femmes, les courants féministes socialistes porteront une égale attention au sexe (appelé «le patriarcat») et aux classes sociales (appelé «le capitalisme») dans leurs analyses de l'oppression des femmes. Les féministes socialistes tenteront ainsi de comprendre comment le patriarcat s'articule au capitalisme et vice-versa. Elles parleront de deux systèmes d'oppression des femmes : le patriarcat et le capitalisme.

Puis, peu à peu, les analyses cherchant des explications unifiées à l'oppression des femmes (l'«ennemi principal») se verront délaissées, aidées en cela par le développement des perspectives lesbiennes, du Black Feminism et des femmes du «tiers monde", ainsi que par le discrédit graduel entourant tout ce qui touche au marxisme à la suite de la chute du mur de Berlin. On en vint à considérer, chez les féministes socialistes, que l'oppression des femmes relevait de plusieurs formes ou systèmes de domination : racisme, (hétéro)sexisme, classisme, ethnicisme.

Certaines d'entre elles en vinrent cependant à délaisser l'idée même de transformation sociale, de changement systémique, réduisant parfois «le social» à des «représentations», l'oppression à des «discours». Elles grossiront les rangs du postmodernisme, très présent notamment dans les universités américaines. D'autres évolueront vers un féminisme plus multiculturel, ou «global», tentant d'articuler toutes les formes d'oppression que vivent les femmes sur la planète, se rapprochant ainsi des préoccupations de plusieurs féministes du tiers monde et de femmes œuvrant dans les milieux populaires des pays industrialisés.

le féminisme «populaire»

Par cette appellation de féminisme «populaire», nous entendons englober le militantisme de nombre de femmes prolétaires, qui ne se définissant pas nécessairement comme féministes, ont néanmoins des pratiques et une vision s'apparentant à la tradition féministe.

Il s'agit d'un féminisme dont la pratique est enracinée dans le quotidien, et dont les mobilisations s'organisent autour des conditions de survie des familles ou des communautés. Ces mobilisations constituent des lieux extrêmement importants d'affirmation des femmes et de réappropriation d'elles-mêmes. Ce type de militantisme fait référence à ce que recouvre grosso modo le terme anglais de «grass-roots activism».

Ce type de militantisme a toujours côtoyé le mouvement féministe «officiel», agissant le plus souvent en parallèle. On peut faire remonter sa tradition de lutte aussi loin qu'aux révoltes frumentaires, liées aux émeutes provoquées par les famines dans l'histoire : on retrouvait les femmes aux premiers rangs des luttes pour le pain, réclamant du blé et du froment.

On trouve aujourd'hui ce militantisme non seulement dans les pays du tiers monde, où il est très présent, mais aussi dans le tiers monde des pays industrialisés, soit chez les femmes des groupes populaires, assistées sociales, qui vivent l'appauvrissement au quotidien. La perspective de subsistance, qui est celle de bon nombre de groupes ou de réseaux (DAWN, 1992), s'ancre dans l'idée que le sexisme n'est qu'une des formes de l'oppression des femmes ; le sexisme n'est souvent pas vécu comme étant le premier lieu de l'oppression des femmes dans le tiers monde, et les luttes pour y mettre fin sont donc insuffisantes pour venir à bout de l'oppression dont elles souffrent : pauvreté due aux effets du système économique basé sur le profit, racisme, exclusion, etc. Pour elles, la lutte en faveur de l'égalité sexuelle doit s'accompagner de changements sur d'autres fronts.

Un des messages portés par ce type d'analyse et de pratiques est qu'il faut élargir la définition classique du féminisme de façon à englober le plus possible la totalité de ce qui opprime les femmes et qui forme des systèmes d'injustices inextricablement liées entre eux. Un autre message réside dans le fait qu'il force à reconnaître qu'il y a une diversité de féminismes de par le monde, ces derniers pouvant emprunter plus d'une forme, et qu'il faut créer des liens entre toutes ces formes de luttes et leurs protagonistes. C'est un appel à la solidarité internationale féministe.

Il y eût aussi d'autres tentatives de «réformer» le marxisme classique en y insufflant une perspective féministe et cela, dès les tout débuts du cette seconde phase du mouvement féministe. Mentionnons le courant du salaire contre travail ménager, dont on peut aujourd'hui constater les retombées notamment dans les diverses tentatives de reconnaissance du travail invisible des femmes sur la planète.

le courant du salaire contre travail ménager


Le courant dit du «salaire contre travail ménager» naît dès les débuts du néo-féminisme en Occident autour d'un livre phare : Le pouvoir des femmes et la subversion sociale. Co-signé par une italienne, Mariarosa Dalla Costa, et une anglo-américaine, Selma James, le livre apparaît comme une tentative d'adapter l'analyse marxiste à celle de l'oppression des femmes. Édité en 1972 en italien et en anglais, il sera traduit rapidement dans plusieurs langues et sera l'occasion, à partir de ce moment, de la création de groupes militant en faveur d'un salaire contre le travail ménager dans plusieurs pays, de part et d'autre de l'Atlantique : Italie, Angleterre, Allemagne, Suisse, États-Unis, Canada anglais.

Ces groupes eurent une existence relativement brève, cependant que l'analyse sous-jacente à ce courant a jeté les bases théoriques de la reconnaissance du travail invisible des femmes, et il est à l'origine des analyses qui, aujourd'hui, tentent de rendre visible tout le secteur invisible et non payé de l'économie.

Alors que les marxistes classiques s'intéressent à la production des marchandises, les marxistes du courant du salaire contre le travail ménager s'intéressent au travail de reproduction des êtres humains, donc au travail généralement exercé par des femmes, principalement dans la famille. La maison apparaît alors comme le premier lieu de travail des femmes. Elles y produisent ce qu'il y a de plus précieux : les êtres humains. Elles reproduisent non seulement la vie, mais elles permettent aux être humains de «fonctionner» : aux hommes de travailler, aux enfants d'être éduqués, aux malades et aux vieillards d'être soignés et entretenus. Massivement, les femmes s'occupent donc de l'entretien matériel, mais aussi immatériel (affectif) des êtres humains.

Or ce travail, clé de voûte de la reproduction humaine des sociétés, est le lieu de l'exploitation des femmes, car il se fait gratuitement, dans la dépendance économique. Cette «condition» de ménagère constitue «le plus petit dénominateur commun» entre toutes les femmes dans tous les pays. Au niveau mondial, cette condition détermine la place des femmes, où qu'elles soient, à quelque classe qu'elles appartiennent. Pour briser cette détermination, pour abolir ce rôle de ménagère, on propose la stratégie du salaire contre le travail ménager.

Même si cette stratégie n'a pas été retenue par les féministes et le mouvement des femmes, elle a quand même poursuivi son chemin jusqu'à nos jours sous diverses formes. Mentionnons au Québec, la lutte de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS) pour faire reconnaître un statut pour les travailleuses au foyer ; mentionnons les luttes de l'Association des femmes collaboratrices pour faire reconnaître aux femmes, associées avec leur conjoint dans une entreprise, un statut, un salaire et bon nombre d'avantages sociaux qui y sont généralement rattachés. Mentionnons aussi les luttes des femmes dans les associations de défense des assistés sociaux, qui militent dans leurs quartiers pour améliorer la qualité de leurs conditions de vie, qui sont aussi pour elles leurs conditions de travail. Mentionnons enfin la revendication de la Marche des femmes de 1995 en faveur de l'implantation d'«infrastructures sociales» et de la reconnaissance des services sociaux rendus massivement par des femmes.

Ces initiatives s'inscrivent en filiation avec le courant du salaire contre travail ménager, pour qui la maison, le quartier, la communauté, constituaient «l'autre moitié de l'organisation capitaliste», l'autre moitié de l'économie, que l'on définissait jusqu'alors comme uniquement constituée du marché.

4- LE FEMINISME RADICAL : LA GRANDE «RUPTURE»

Même si les traditions de pensée libérale et marxiste ont été déterminantes dans la formation et l'évolution du néo-féminisme en Occident, il n'en reste pas moins que l'émergence d'une pensée féministe radicale constitue la grande «rupture» opérée par le néo-féminisme à la fin de la décennie 1960. «Radical» signifiait qu'on entendait remonter, dans l'explication de la subordination des femmes, «à la racine» du système. Le système auquel on faisait référence n'était pas, comme chez les marxistes, le système économique, mais le système social des sexes, qu'on nommera patriarcat. «Radical» signifiait surtout qu'on allait assister à une toute nouvelle façon de penser les rapports hommes-femmes, étrangère aux explications libérale ou marxiste, et se présentant comme «autonome», et sur le plan de la pensée, et sur le plan de l'action.

Le réformisme libéral et la superficialité de son analyse de la discrimination des femmes sont rejetés par les nouvelles féministes qui arrivent sur la scène publique à la fin des années 1960. Le marxisme aussi est rejeté (en tout ou en partie) en raison de son incapacité de concevoir les femmes en dehors de la classe de leur mari. On rejette de même ses traditions de luttes et son fonctionnement «machiste», refusant toute place centrale à la lutte autonome des femmes. Le féminisme radical venait donc combler certaines lacunes et du libéralisme et du marxisme.

Cependant, le féminisme radical n'a jamais constitué un courant homogène. Par exemple, il n'y eut jamais, comme dans le cas des marxistes féministes, des «orthodoxes». Il s'agit d'un courant éclaté dont les composantes partagent cependant une conviction commune : l'oppression des femmes est fondamentale, irréductible à quelque autre oppression, et traverse toutes les sociétés, tous les «peuples» et toutes les classes.
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